Restauration du bief

Renaissance du bief, les préliminaires

L’arrêt du moulin en 1967 a entraîné l’interruption du suivi des installations hydrauliques et de leur entretien régulier. La correction des incidents susceptibles d’endommager la digue, les vannes et les installations hydrauliques associées n’a plus été réalisée. Le bief s’est progressivement rempli d’embâcles ; une végétation luxuriante a pris possession des berges du bief et des champs avoisinants.

L’absence de gestion cohérente du bief entraînait fréquemment l’inondation de la chambre d’eau et la sape des fondations du moulin lors des hautes eaux d’hiver.  Ces évènements étaient concomitants de la dégradation du bâtiment (voir « le moulin »).

A défaut de pouvoir gérer correctement les eaux du bief et pour limiter les risques accrus de dégradation du bâtiment, il a donc été décidé d’interdire l’arrivée d’eau sur la chambre d’eau du moulin.

Les travaux réalisés sans la supervision de personneS compétentes pour la gestion des ouvrages hydrauliques des moulins se sont soldés par la création de brèches dans la digue du bief « pour ainsi détourner l’eau du moulin ». La mise en place d’un muret interdisant l’accès à la chambre d’eau pour éviter les chutes de visiteurs imprudents a fini de dénaturer le site.

La brèche principale détournant le cours de la Vrille. La vanne est encombrée d’embâcles et ne sert plus à rien.

Par voie de conséquence, la totalité du débit de la Vrille passait alors par le bief au lieu de passer pour partie au dessus du déversoir situé en entrée du bief pour alimenter le lit originel de la rivière. Depuis la loi sur l’eau de 2006, nous étions en infraction sans le savoir. Cette loi impose, en effet, que 10% au minimum du débit en entrée du bief passe par le lit de la rivière. Ce qui n’était manifestement pas le cas.

Le déversoir à sec, l’eau ne passe plus le seuil. C’est la forêt vierge. Le lit majeur de la rivière n’est plus alimenté

En 2018, le réveil fut brutal avec l’intervention du syndicat de rivière Vrille Nohain Mazou et des agents de la police de l’eau de l’état.

En théorie, cette intervention avait pour but de nous obliger à nous mettre en conformité avec la réglementation. Dans la réalité des discussions, il est vite apparu que, pour certains de nos interlocuteurs, l’objectif était de restaurer la continuité écologique de la Vrille par la destruction pure et simple du seuil afin de faire passer la totalité du débit par le lit de la Vrille.

Pour certains, cette restauration écologique passait par le reformatage du lit de la rivière en amont du bief en l’éloignant donc de la fontaine des Enchâsses qui est une des sources majeures de la Vrille comme le prouve les vestiges gallo-romains qui y ont été retrouvés (voir histoire de Péziers). Nos technocrates modernes seraient donc plus intelligents que les romains qui savaient observer et optimiser leur habitat. De plus, une partie de ces affirmations s’est également révélée fausse puisque le classement réglementaire de la Vrille n’oblige pas à assurer la continuité écologique.

Il faut toutefois modérer ces propos et constater qu’après des échanges préliminaires très tendus, nous avons eu la chance de trouver des fonctionnaires de l’état ouverts et capables d’échanger sans à priori/dogmatisme/ parti pris et souhaitant réellement trouver une solution adaptée à notre situation et notre projet. Nous ne pouvons que les en remercier. Nous regrettons simplement que ces compétences ne soient pas plus répandues dans les services de l’état.

Toujours est il que nous étions en infraction et que nous devions nous remettre en conformité avec la loi sur l’eau. Nous avons donc choisi de faire le nécessaire pour redevenir conformes à la réglementation et donc assurer la pérennité du droit d’eau et le maintien de l’eau dans le bief.

Le parcours du combattant commençait. Suite à une aide majeure des amis des moulins et un gros travail personnel pour comprendre la réglementation, nous avons alors compris que la solution passait par la fermeture des brèches pour permettre à l’eau de remonter dans le bief et de respecter le débit réservé de 10% au-dessus du déversoir. Nous regrettons amèrement que les fonctionnaires d’état rencontrés au début de cette histoire aient été incapables de nous informer de cette évidence procédurale.

Que faire ? La réponse était simple en théorie mais moins évidente comme la pratique allait durement nous le rappeler. Il suffisait de clore les brèches pour que l’eau remonte dans le bief, dépasse le seuil afin de garantir que 10% au moins du débit passe dans le lit originel de la Vrille; “YAPUKA FAUCON”

Renaissance du bief, essai n° 1

Pour remettre en état le bief, nous avions compris qu’il “suffisait” :

1) de reconquérir la digue,

2) de remettre en état les vannes,

3) d’obturer les brèches. Ce fut le travail de l’été 2019, avec l’aide majeure de la tribu familiale et d’un groupe d’amis bien équipés en engins de chantier. Le premier travail fut de défricher le site et de nettoyer le bief des embâcles pour pouvoir accéder à la digue et aux vannages. Il fallait ensuite restaurer les vannes et combler les brèches pour que l’eau puisse remonter dan le bief. Le niveau d’eau pourrait alors dépasser le seuil. Nous redeviendrions alors conformes aux exigences de la réglementation imposant un débit réservé de 10% pour le lit mineur de la rivière.

Nous allons pouvoir remettre en eau le bief. L’eau va passer au dessus du seuil et ainsi nous serons conformes à l’obligation de respecter les 10% de débit réservé.

Nous avions simplement oublié que la nature n’a que faire des théories et de la volonté humaine de maîtriser son environnement. Nous allions payer cher cette incompréhension. Notre belle restauration dont nous étions si fiers n’a pas résisté à la pression de l’eau. Nous avions simplement oublié que nous ne maîtrisions pas la technique de construction des digues soumises à la pression et aux infiltrations de l’eau.

La nouvelle digue n’a pas tenu

Après deux jours de remise en eau du bief, le “sparadrap” installé pour combler les brèches n’a pas tenu. Nous apprenons dans la douleur que la maîtrise de l’hydraulique ne s’improvise pas.

Renaissance du bief, essai n°2

Suite à l’échec de la première tentative de remise en eau du bief, nous avons compris que le “bricolage” n’était pas suffisant pour maîtriser la force de l’eau.

La meilleure solution aurait été l’installation de palplanches pour obturer les brèches.

Face à l’urgence liée au contrôle prévu de l’administration risquant de conclure à la déshérence et donc à l’abrogation du droit d’eau signifiant – de facto – la disparition du bief, nous avons donc décidé d’installer une digue en sac de sable.

Suite à ces travaux, la nouvelle digue a tenu. La remise en eau a permis de respecter la règle des 10% du débit réservé pour le lit mineur de la Ville. Le recontrôle par le service de la police de l’eau fut donc favorable. Toutefois, la situation était encore loin d’être parfaite. Nous avions mal dimensionné la nouvelle digue qui présentait des fuites susceptibles de mettre en péril son maintien dans le temps.

Les blocages de la nouvelle digue n’ont pas tenus face aux infiltrations d’eau

Renaissance du bief. Essai n°3

Suite aux épisodes précédents, la situation était claire:

1) il fallait maintenir le niveau d’eau dans le bief,

2) notre dimensionnement des travaux était insuffisant et pouvait conduire à la réouverture de la brèche. Que faire ? L’interrogation de professionnels compétents conduisaient à des devis incompatibles avec nos moyens. Par contre, nous avions parfaitement compris que la clé du succès reposait sur la suppression des infiltrations qui minaient la digue petit à petit. Nous avons donc décidé de nous prendre en main quoi qu”il nous en coûte. Il fallait donc établir un barrage pour empêcher les infiltrations d’eau susceptibles de détruire la nouvelle digue. Nous avons décidé de construire un mur pour barrer le passage de l’eau. La période des hautes eaux hivernales n’était certes pas idéale pour cette folie mais nous n’avions pas le choix.

Conclusion

Le résultat de cet acharnement est plus que positif puisque, aux dernières nouvelles, la suppression du bief n’est plus d’actualité pour les services de l’état et surtout, le moulin de Péziers a retrouvé une partie de son charme hydraulique pour le mettre à disposition des visiteurs.