Quelques rares informations historiques
Les informations historiques relatives à Péziers actuellement à notre disposition sont encore très fragmentaires.
La découverte du « jeune homme » de Treigny lors des travaux de captage de la fontaine des Enchâsses réalisés en 1964 peut laisser penser qu’un habitat existait en proximité du site de Péziers à l’époque gallo-romaine. L’absence de fouilles de sauvegarde du site ne permet malheureusement pas de disposer d’informations précises relatives à cette hypothèse.
Voir ci-après la copie de l’article de l’écho d’Auxerre pour les informations relatives au jeune homme de Treigny.
La trace historique suivante de Péziers date du 17ème siècle. Un acte notarié établi le 8 mai 1661 précise que « Guillaume Madelénat – meunier- reçoit en sa communauté mobilière Louis Chevalier – meunier à Entrains – et sa femme pour demeurer ensemblement et faire valoir le moulin de Péziers qu’il tient à bail ».
A la fin de 18ème siècle, le moulin de Péziers est également répertorié sur la carte de Cassini. Cette carte a été établie à la demande de la royauté pour établir un premier plan général du royaume de France. Cette carte est importante pour les moulins à eau car elle établit de facto le droit d’eau imprescriptible pour les sites qui y sont répertoriés.
Le 19ème siècle est pour le moment pauvre en informations relatives à Péziers. Contrairement à de nombreux moulins de la Vrille, Péziers ne semble pas avoir eu de règlement d’eau. Ce type de document a été établi par l’administration pour définir les droits et devoirs des meuniers au regard de l’utilisation de l’eau et aussi pour servir de base à la fiscalité. Les recherches réalisées aux archives départementales n’ont pas permis d’identifier de nouveaux documents.
Nous disposons toutefois du cadastre de Napoléon dont les feuilles relatives à Péziers datent des années 1820-1830. Ces documents donnent des informations précieuses concernant les bâtiments alors existants, les parcelles cadastrales et les différents propriétaires de ces parcelles. Le bief passait alors probablement à ciel ouvert dans la cour. La maison existait déjà dans l’emprise au sol actuelle le long du bief. Le bâtiment du moulin n’était pas couvert au dessus de la chambre d’eau. On identifie également deux constructions importantes le long du chemin rural de Péziers à Perchin. Il ne reste actuellement que des ruines de ces bâtiments.
Le jeune homme de Treigny
Par le Dr Benard. Article paru dans l’Echo d’Auxerre n° 52
Au début du mois de mai, des ouvriers étaient en train de curer le griffon d’une source aux environs de Treigny. Ils avaient déjà creusé à plus d’un mètre de profondeur et pataugeaient dans l’eau boueuse, quand ils eurent la surprise d’extraire une statue de pierre brisée.
Soudain attentifs, ils ne purent retrouver que deux autres fragments de la statue et quelques morceaux de céramique gallo-romaine.
La statue, haute de 60 cm, représente un jeune garçon nu, debout sur un socle grossièrement carré. Un manteau dont un coin est jeté, de façon assez négligente, sur son épaule droite, lui couvre le dos de larges plis raides. Son bras droit est fléchi en avant, un peu écarté du corps, et ses quatre derniers doigts étendus soutiennent un objet brisé de section quadrangulaire, qui vient s’appuyer sur la hanche droite.
Le bras gauche est brisé à sa partie moyenne ; il s’agit d’une cassure ancienne, non imputable aux puisatiers, et le reste du membre n’a pu être retrouvé. Portée par un cou large et court, la tête est assez massive.
Les cheveux entourent, de mèches légèrement bouclées, un front assez bas, laissant voir de grandes oreilles et barrant la nuque d’un bourrelet transversal. Les arcades sourcilières sont saillantes, les yeux globuleux, les joues rondes, la bouche est charnue, assez bien dessinée ; le menton petit. Malheureusement le nez qui est droit, est brisé depuis longtemps, et l’œil gauche a été écorné par le pic d’un ouvrier. Cela n’est pas pour améliorer un visage déjà peu attirant.
Nous sommes en présence, c’est évident, d’un jeune garçon ou même d’un grand enfant : il n’y a qu’à voir sa tête trop grosse pour son corps, ses membres courts et potelés. Mais il ne nous dit pas son nom. Aucune inscription sur son socle lisse, aucun attribut auprès de lui, qui puisse nous éclairer.
A ce point de vue la perte du membre supérieur gauche et le bris de l’objet tenu par la main droite sont irréparables ; ils rendent bien difficile la recherche et aléatoire la détermination.
Sans doute, la nudité du personnage plaide pour sa nature divine et son origine romaine. Est-ce un Eros ou un Bacchus enfant ? S’agit-il d’un petit Dieu secondaire, protecteur des sources ? Rien ne permet ici de parler d’un culte des eaux. La source sourde au creux d’une cuvette gazonnée à quelques mètres d’un gros ruisseau. Mais cette disposition est artificielle et récente.
La Vrille trace ses méandres plus loin dans la vallée et c’est assez récemment qu’elle a été en partie détournée pour joindre ses eaux à celle de la source afin d’alimenter le moulin de Péziers. L’eau jaillit froide et limpide, du flanc de la colline à 3,30 m au-dessous du niveau du ruisseau, avec un débit de 400 mètres-cube à l’heure. Mais le griffon était comblé de cailloutis, de terre et de fragments de roche calcaire locale.
Rien qui puisse faire penser à une construction quelconque au bord de la source ou à son voisinage immédiat. Il est vrai que les pâturages et les haies s’étendent de tous côtés ne favorisant guère la recherche sur le terrain.
Peut-être s’agit-il d’un personnage simplement décoratif, sans signification particulière. De toute façon, on peut se demander d’où il vient. La source s’appelle, au dire des gens du lieu, « La Fontaine des Enchâsses », mais personne ne peut nous préciser ni l’orthographe, ni la signification de ce terme. Bien sûr, il doit y avoir aux environs des sites gallo-romains.
Prenons une carte : certains toponymes sont évocateurs. Nous trouvons à plus d’un kilomètre en aval deux lieux-dits : « Les Meules », plus près et en amont : « Le Champ de la Cave » ; enfin à un kilomètre au sud-ouest sur les coteaux, un lieu-dit « La Ville de Séguy », où le père de Monsieur Guyot, un jour qu’il labourait, aurait trouvé des restes de fondations. N’a-t-il pas scellé dans un mur de sa ferme une base de colonne, manifestement romaine qui provient de ce champ ?
Il y avait sans doute là une « villa » et la découverte, à proximité, de sarcophages vient renforcer cette conviction, car on sait avec quelle fréquence les cimetières mérovingiens sont venus s’implanter à côté des villas gallo-romaines. Il est bien possible que notre statue provienne de cette villa relativement proche. Déjà brisée, elle a été jetée dans la source. Faut-il y voir le geste iconoclaste de zélés, néophytes chrétiens, qui voulaient détruire des images païennes ?
La céramique trouvée en même temps, va peut-être nous aider à dater la trouvaille. Tout d’abord un petit buste de femme en terre cuite : le visage est plein et les traits réguliers. La coiffure est remarquable avec ses deux gros rouleaux superposés qui encadrent le front et s’arrondissent d’une oreille à l’autre comme une sorte de diadème. En arrière les cheveux sont peignés plus simplement : raie au milieu et petit chignon sur la nuque. A la base du cou, un collier de grosses perles rondes et l’amorce d’un vêtement.
La statuette est creuse, constituée de deux pièces collées, du type courant des fabrications de l’Allier. Il faut noter ici la teinte jaunâtre de la terre, recouverte d’une mince pellicule ferrugineuse, acquise dans la source, et les dimensions de l’objet plus fortes que d’habitude (hauteur tête-cou : 8 cm).
Quant à la datation, on peut dire que le style de la coiffure rappelle les constructions assez massives de l’époque flavienne, c’est-à-dire la fin du 1ersiècle après Jésus-Christ.
Ensuite, un col d’amphore en terre rouge, cylindrique, haut de 30 cm, terminé par une simple lèvre arrondie, légèrement ourlée en dehors, épaulé par deux grandes anses aplaties à rainure médiane et pliées à angle droit. Il semble s’agir d’un type italique importé, celui qui porte le numéro 3 dans la classification de Dressel et que l’auteur attribue au 1er siècle après Jésus-Christ
Enfin une jatte évasée de couleur brune, large de 21,5 cm à l’ouverture et haute de 8,5 cm. Son fond est plat, son rebord en bourrelet aplati, déborde un peu en dedans et en-dehors. Il s’agit là d’un vase utilitaire courant, de fabrication locale, à gros dégraissant apparent, et qui, pour le moment ne peut être daté de façon précise
En somme le buste de femme pourrait être de la fin du 1er siècle ou au début du second ; l’amphore probablement du 1er siècle.
Mais cela nous permet-il de dater la statue ? Nous n’osons affirmer que ces différents objets disparates sont contemporains. Ils ont fort bien pu être jetés dans la fontaine séparément et à des intervalles de temps éloignés. Rappelons-nous les conditions de la découverte : les ouvriers travaillant dans l’eau et au marteau-piqueur ; l’impossibilité du moindre contrôle stratigraphique de notre part, les éléments bétonnés du puits de captage étant descendus au fur et à mesure du creusement et masquant la coupe du terrain. Aussi nous garderons-nous bien de conclure.
Ce qu’on peut dire, c’est que le style de la statue est assez grossier et malhabile. Regardez le socle, si irrégulier qu’il n’a pas deux côtés de même dimension, le dos plat avec les grands plis raides du manteau à peine esquissés à la partie inférieure, enfin la tête un peu enfoncée dans les épaules et penchée en avant, l’expression brutale du visage, qui contraste avec le modelé du corps par ailleurs bien rendu.
Nous verrions volontiers ici l’œuvre d’un artisan du cru, interprétant à sa manière, dans le calcaire de la région, un thème romain.