Les guerres de religion en Puisaye, Auxerrois et Nivernais

Présentation

Les guerres de religion ont ravagé la Puisaye, le Nivernais et l’Auxerrois pendant près de 36 ans entre 1562- 1598 jusqu’à la signature de l’édit de Nantes qui a ramené le calme dans le pays.

La région sortira ruinée et dévastée de cette période et de nombreuses villes et villages ne se remirent jamais des pillages et destructions réalisées par les différentes factions.

Cette histoire explique en grande partie la quasi absence de monuments antérieurs au 16ème siècle dans cette partie de la Bourgogne.

Elle illustre également à merveille les conséquences de l’orgueil de puissants sur la vie des gens du peuple qui ne souhaitent en général que de pouvoir assurer une vie la plus harmonieuse possible à leur famille sans se préoccuper de “grande politique “.

La compréhension des événements qui se sont déroulées en Puisaye et dans les régions proches ne peut se concevoir sans intégrer cette histoire dans le cadre plus général du royaume de France de l’époque.

Cadre historique national

Les guerres de religion tirent leur origine de l’importance de plus en plus grande de la réforme protestante dans la société européenne. La réforme visait à revenir aux sources du christianisme et visait également à contre balancer le poids politique et économique de la hiérarchie catholique qui accaparait à son profit plus de 30% des biens et des rentes pécuniaires et qui dictait souvent sa loi aux seigneurs locaux par la menace de l’excommunication. La monétisation du rachat des âmes par les indulgences mises en place par Jules II pour payer les travaux de la basilique St Pierre de Rome accrut également la perte de confiance d’une partie importante des croyants dans la voie suivie par le clergé catholique.

Ces nouvelles positions doctrinales furent portées par de nombreux prédicateurs au cours du 14ème – 15ème et 16ème siècles tels que Jean Wyclif (1330-1384)  en Angleterre, Jean Huss (1372-1415) en Bohème,  Martin Luther en Allemagne (1483-1546), Jean Calvin en France (1509-1564).

La diffusion de leurs idées fut facilitée par l’invention de l’imprimerie en 1454 et par l’appui des milieux d’affaires et d’artisans instruits qui acceptaient mal le poids de la féodalité et par le ralliement à la réforme de nombreux nobles et hobereaux qui voulaient éviter d’être soumis à l’autorité des autorités ecclésiastiques. Du fait de l’organisation féodale, la majorité de la population non instruite suit les décisions du seigneur. Ces décisions peuvent aller jusqu’à l’interdiction de la pratique de la religion catholique.

L’essor de la réforme en France est tel qu’en 1661, à la veille des guerres de religion, plus de 10% de la population est protestante et qu’il y a plus de 670 lieux de cultes répartis sur le territoire. Il s’agit ainsi d’un mouvement qui compte et qui dispose de forces réelles.  Le ralliement à la cause protestante de la branche cadette de la famille de France représentée par le prince de Condé, par Henri de Navarre permit de constituer un parti protestant fort disposant d’entrées dans la sphère royale. Cette branche cadette était également légitime pour accéder au trône en cas de carence d’héritier du roi en place.

L’affaiblissement du pouvoir royal suite à la mort d’Henri II en 1559 et l’indécision de la régente Catherine de Médicis fut aussi un facteur favorable à l’émancipation de la noblesse des provinces françaises qui trouvait dans la réforme un moyen d’affirmer son indépendance vis à vis du pouvoir royal. Cette indécision conduisit également le pouvoir royal à louvoyer, selon les circonstances, entre les factions protestantes et catholiques en essayant tant bien que mal de maintenir l’unité de la France et son autorité.

Le parti protestant s’organise autour des princes de sang ralliés à la réforme, à savoir :

  • Gaspard de Coligny, originaire de Chatillon (Chatillon-Coligny actuel) entre Bléneau et Montargis,
  • Les différents princes de Condé, dont Louis de Condé, oncle du futur Henri IV et Henri 1er cousin d’Henri I de Navarre (futur Henri IV). Henri de Condé fut gouverneur de Picardie dont la population en majorité catholique s’opposa fortement à sa tutelle,
  • Henri III, roi de Navarre, cousin du roi, le futur Henri IV.

Le parti protestant contrôle une bonne partie du sud et sud-ouest de la France avec le Rouergue, le Quercy, le Languedoc, une partie du Berry.

Le parti protestant bénéficie du soutien de l’Angleterre et des princes protestants allemands.

Le parti catholique se regroupe derrière les princes de Lorraine représentés par :

  • Henri 1er de Guise
  • Charles, duc de Mayenne
  • Charles de Guise, cardinal de Lorraine

Le parti catholique contrôle la Bretagne, la Bourgogne, la Champagne, la Normandie.

Les catholiques ont le soutien de l’Espagne ultra catholique qui ne peut pas accepter l’essor de la nouvelle religion en France alors qu’elle est en guerre avec l’Angleterre et lutte contre la volonté d’indépendance des provinces protestantes des Pays Bas.

Les tensions s’exacerbant vont conduire à la guerre civile.

Les 8 périodes des guerres de religion

1ère campagne (1562-1563)

  • Suite au massacre de protestants par les catholiques à Wassy, le parti protestant réagit et s’empare de plusieurs villes et régions dont Orléans, Tours, Blois, Lyon, Poitiers, Rouen, le Havre. Les pillages et destructions de bâtiments catholiques sont très importants.
  • Les alliés allemands cherchent à faire leur liaison avec les troupes protestantes par les passages de la Loire.
  • L’épuisement et la mort de plusieurs des chefs de factions conduisent à la paix d’Amboise en 1563. Les protestants y gagnent l’extension du nombre de lieux de cultes.

2ème campagne (1567-1568)

  • L’échec de l’application de l’édit d’Amboise et la rivalité entre les factions protestantes et catholiques ravivent la guerre.
  • Les troupes protestantes envahissent la Bourgogne et prennent ensuite Blois et Chartres.
  • L’épuisement des belligérants conduit à la paix de Longjumeau qui reprend les termes de l’édit d’Amboise.

3ème campagne (1568-1570)

  • La paix de Longjumeau n’ayant rien réglé, la guerre reprend.
  • Les protestants se retranchent dans le sud-ouest, le Languedoc et sur la Loire en attendant les renforts allemands. La Rochelle et Sancerre sont leurs principales places fortes destinées à bloquer l’avancée des troupes royales cherchant à rependre le terrain perdu.
  • Après avoir été défaites en Poitou, les armées protestantes remontent par le Languedoc, le Lyonnais et la Bourgogne et s’emparent de la Charité sur Loire bloquant ainsi la route du sud aux catholiques.
  • Suite à ce blocage, le traité de St Germain signé en 1570 augmente les lieux de culte autorisés aux protestants et leur garantit quatre places de sûreté : La Rochelle, Cognac, Montauban, la Charité sur Loire.

4ème campagne (1572-1573)

  • Le massacre de la St Barthélémy (23-24 août 1572) est l’élément déclencheur.
  • Les principaux combats se déroulent autour de La Rochelle et de Sancerre.
  • Le manque de moyens de l’armée royale conduit à la paix de la Rochelle.

5ème campagne (1574-1576)

  • Cette guerre tire son origine de l’alliance des opposants au roi (dont son propre frère) et du parti protestant.
  • La Bourgogne est ravagée par les troupes allemandes appelées en renfort du parti protestant. L’infériorité des troupes royales contraint le roi à faire la paix.
  • L’édit de Beaulieu de 1576 associe les protestants aux parlements provinciaux, accorde la liberté de culte et des places de sûreté.

6ème campagne (1577)

  • Les catholiques insatisfaits de l’édit de Beaulieu entrent en guerre.
  • L’armée royale et les armées des princes catholiques prennent la Charité et Issoire en Auvergne et avancent en Languedoc.
  • La faiblesse des moyens engagés conduit à un arrêt des combats.
  • La paix de Bergerac restreint légèrement la liberté de culte protestante.

7ème campagne (1579-1580)

  • La guerre se déroule principalement dans le sud ouest, Henri de Navarre prend Cahors.
  • La paix de Fleix accorde 15 places de sûreté aux protestants.

8ème campagne (1585-1598) 

  • Le parti catholique fonde la ligue pour s’opposer à l’accession au trône du protestant ‘Henri de Navarre en cas de disparition du roi Henri III qui n’a pas de descendance.
  • Le roi s’allie à la ligue et interdit le culte protestant dans son royaume. Il déchoit aussi Henri de Navarre et le duc de Condé de leurs droits.
  • Les combats dans le sud-ouest sont à l’avantage des protestants.
  • Les renforts allemands envahissent à nouveau la Bourgogne, ils sont battus par les troupes catholiques près de Montargis et en Beauce à l’automne 1587.
  • Victorieux, les chefs de la ligue prennent le pouvoir à Paris.
  • Ne voulant pas être évincé du pouvoir, le roi Henri III fait assassiner les chefs de la ligue en décembre 1588.
  • Suite à cet assassinat,  la Ligue appuyée par les armées espagnoles entre en guerre contre le roi et occupe Paris tout en maintenant ses positions dans les territoires qui lui sont acquis (Bourgogne, Nord de la France, Bretagne).
  • Le roi Henri III s’allie avec Henri de Navarre pour combattre la ligue.
  • Henri III est assassiné le 1er août 1589 en représailles de l’assassinat des ducs de lorraine. Henri de Navarre (Henri IV) devient alors le roi légitime.
  • Henri IV se convertit au catholicisme le 25 juillet 1593 et est alors reconnu comme roi légitime par le pape et la majorité des pairs du royaume.
  • Henri IV combat la Ligue et les troupes espagnoles jusqu’en 1598 pour assurer la reconquête de Paris, de la Bourgogne, de la Picardie, de la Bretagne.

L’édit de Nantes (avril 1598) : fin des guerres de religion

  • Garantit la liberté de conscience dans tout le royaume.
  • Accorde la liberté de culte dans les régions de présence du protestantisme, dans 3500 châteaux et deux localités par baillage.
  • Restitue les droits civils aux protestants et autorise l’accès aux charges et aux dignités.
  • Attribue 150 lieux de refuge dont 51 places de sûreté et autorise indirectement une armée protestante de 30 000 soldats maximum.

Rôle stratégique de la Puisaye, du Nivernais et de l’Auxerrois dans les campagnes militaires des guerres de religions

La Bourgogne et la Puisaye se trouvent sur une position stratégique majeure pour les différents belligérants. Le parti protestant occupe de fortes positions dans le sud-ouest et le sud. Les renforts envoyés par les princes protestants allemands chercheront donc à rallier les troupes protestantes du sud-ouest en s’assurant des passages de Loire situés entre Gien et la Charité. Les troupes catholiques, pour leur part chercheront à contrecarrer ce plan par la maîtrise des mêmes passages et des régions avoisinantes.

Dans cette logique stratégique générale, la Puisaye, le Nivernais, l’Auxerrois étaient en plein dans l’axe de marche des troupes protestantes et eurent donc à subir le passage des différentes troupes.

Par ailleurs, les seigneurs de la région étant tous pour le parti catholique, les troupes de leurs ennemis ne sont pas privés de perpétuer massacres et pillages lorsqu’ils ont envahi la Puisaye, le Nivernais et l’Auxerrois. Le retournement des alliances au cours des guerres de religion firent que la région subit la mise à sac par les troupes protestantes (1ère à 7ème campagne) et les troupes royales (8ème campagne).

Le déroulement des guerres de religion en Puisaye et Bourgogne

Voir le cadre national ci-dessus pour la chronologie complète des campagnes.

Le détail ci-après ne reprend que les événements liés à la Puisaye et son voisinage proche (Nivernais, Auxerrois) ou la Bourgogne.

Préliminaires

  • 1543 : condamnation d’adeptes des idées nouvelles à Corbigny.
  • 1545 : un prêtre marié est exécuté à Auxerre.
  • 1559 : l’évêque concubinaire deNevers rejoint Calvin à Genève.
  • 1560 : Coligny – un des chefs protestants- occupe et pille la Charité.
  • 1561 et 1562 : émeutes liées à la nouvelle religion à Auxerre.

1ère campagne (1562-1563)

  • 1562 : occupation d’Orléans, Tours et Blois par le prince de Condé, un des chefs protestants.
  • 1562 : occupation d’Entrains par les protestants, massacres des gens d’église, destruction des lieux de cultes catholiques.
  • 1563 : invasion de l’auxerrois par les armées allemandes, massacres et pillages dans de nombreuses villes et villages. Les récits historiques rapportent les noms de St Cyr les colons et de Mailly le château.
  • Par la paix d’Amboise, autorisation de prêche pour les protestants à Entrains, La Charité et Cravant. La Puisaye bascule en presque totalité dans le camp protestant à l’exception de quelques positions fortifiées catholiques comme Perreuse, Auxerre, St Verain.

2ème campagne (1567-1568)

  • 1567 : Prise d’Auxerre par les protestants. Mise à sac de la cathédrale, St Etienne, de l’abbaye St Germains et des églises.
  • 1567 : Pillage, massacre et mise à sac par les protestants de la zone d’Irancy- Coulanges la Vineuse – abbaye de Pontigny.
  • 1567: Prise par les protestants du château de Ratilly (commune de Treigny actuelle). Ils en font une de leurs principales places fortes en Puisaye jusqu’au couronnement d’Henri IV. Cela leur permet de conforter leur mainmise sur la Puisaye.
  • 1568 : massacre de 150 protestants par les catholiques d’Auxerre en représailles des exactions protestantes de 1567.
  • La paix de St Germain en Laye accorda quatre places de sûreté aux réformés : pour le Nivernais, ce fut la Charité qui commandait le passage stratégique de la Loire.

3ème campagne (1568-1570)

1569 : invasion de la Bourgogne par une armée allemande commandée par le duc de Deux Ponts, pillages et destructions sur son chemin entre Dijon et la Charité en passant par Avallon. Les protestants nivernais apportèrent leur soutien à cette armée et alourdirent les ravages. Les récits historiques rapportent que :

  • Avallon et les villages de la Cure furent mis à sac.
  • La prise de Vézelay s’accompagna du massacre des prêtres et moines franciscains qui furent enterrés vivants.
  • La Charité est totalement mise à sac.
  • Donzy est incendié et les prêtres sont massacrés.
  • Les monastères proches de Donzy (Donzy le pré, Bourras, Bellary, Cessy les bois, des Roches) sont pillés et partiellement détruits.

1570 : Coligny ravage le Morvan avec notamment l’incendie des églises de Gacognes, Moulins-Engilbert, Préporché, St Honoré, Vandenesse.

4 ème campagne (1572-1573)

Les actions militaires sont concentrées autour de Sancerre.

Les récits historiques ne rapportent pas d’événements particuliers en Puisaye ou sa région proche. Il est toutefois possible que les actions de pillages des troupes concentrées sur Sancerre débordèrent sur la zone avoisinante dont le Donziais , la Puisaye.

5 ème campagne (1574-1576)

1576 : invasion par une armée allemande commandée par le fils de l’électeur palatin. Marche sur la Loire avec massacres et pillages le long du chemin (dont Dijon et Beaune). Les récits historiques rapportent, pour ce qui concerne la Puisaye :

  • La prise, pillage et incendie de St Vérain qui ne s’en relèvera jamais.
  • Pillage et incendie de Bitry, St Amand.

6 ème campagne (1577)

Les combats se concentrent autour de la Charité.

Comme pour la 5 ème campagne, il est probable que les combats ne furent pas limités à la proximité de la Charité mais s’étendirent aux zones voisines. La distance de la Puisaye à la Charité peut toutefois laisser penser que la Puisaye fut épargnée lors de cette campagne.

7 ème campagne (1579-1580)

Pour la région, les combats semblent imités à la prise de la Charité.

Pas d’autres informations sur les combats en Puisaye qui aurait pu être épargnée au vu de la distance par rapport à la Charité.

8 ème campagne (1585-1598)

Guerre des trois Henri mettant face à face le roi Henri III, Henri de Navarre, et Henri Duc de Guise. Avec encore une fois la participation d’une armée allemande de près de 30 000 soldats et 9 000 cavaliers.

1587 : poussée vers Gien par les protestants et leurs alliés allemands.

  • Dévastation de la Puisaye : les récits historiques rapportent la prise, le pillage et destruction de Perreuse, de St Sauveur, du prieuré de Moutiers. Perreuse et Moutiers ne retrouvèrent jamais leur opulence précédente.
  • Pillage et dévastation de Bléneau.
  • Par la suite, l’armée du Duc de Guise anéantit l’armée protestante qui cherchait à rejoindre le Poitou.

1590-1598 : guerre entre la ligue et les troupes du roi Henri IV

  • L’Auxerrois est aux mains des ligueurs.
  • Prise et pillage de Toucy et de Coulanges la Vineuse par les troupes royales.

Bilan des guerres de religion pour la Puisaye, le Nivernais, l’Auxerrois 

La région est ravagée, plusieurs villes totalement ruinées ne se remettront jamais de cette épreuve.

Pour aller plus loin sur le sujet : liens

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